Après s’être situé à une moyenne de 63 dollars de début mai 2019 jusqu’à la fin de l’année, le prix du baril de Brent a amorcé une chute régulière pour atteindre un plus bas de 23 dollars le 30 mars 2020. Reparti à la hausse, il atteint un pic de 33,66 le 8 avril, pour retomber de nouveau et atteindre un record de plus bas depuis de nombreuses années avec  17,51$ le 21 avril puis de nouveau 18,7 le 28 avril, pour redécoller à l’approche de l’application de l’accord de l’OPEP+, et enfin se situer à 30,5 le 6 mai, sur une tendance légèrement  ascendante.

 

De nombreux facteurs ont déterminé cette évolution. En premier l’absence d’accord au sein de l’OPEP+, début mars 2020. Ceci a donné lieu à une guerre des prix entre la Russie et l’Arabie Saoudite qui fait baisser rapidement les cours. L’Arabie Saoudite, elle-même, réduit les prix de son pétrole à partir du 8 mars, tout en annonçant une augmentation de sa production pour avril. Ceci ne suffit pas pour amener la Russie à collaborer. Rappelons que les négociations portaient sur une réduction d’un volume relativement faible (1,5 millions de B/J) comparativement à la baisse qui sera obtenue plus tard le 12 avril (9,7 millions de B/J).  La Russie refuse de collaborer à la réduction. Sa stratégie affirmée était de réduire aussi l’offre de pétrole de schiste américaine. Le cout de production de cette dernière dépassant les 40 dollars. Ceci dans un contexte d’assez forte sous-estimation de l’impact de la crise sanitaire comme le prouve le niveau de la baisse qui sera discuté en avril.  La crise sanitaire et la généralisation des confinements à partir de mi-mars, ont fortement réduit la demande pétrolière.  Dans un premier cette baisse conduit à un sur-stockage qui a eu pour conséquence jusqu’à des prix négatif pour le WTI par manque de capacités. Longtemps contenue la crise du pétrole de schiste apparait à ce moment- là.  Avec des coûts de production largement supérieurs aux prix atteints par le WTI alors, le secteur pétrolier américain entrait dans une crise dangereuse, une bonne proportion des entreprises étant fortement endettées.  Le secteur lui -même fait appel à un nombre important de sous- traitants dans le secteur des services. Au total ce serait plus de deux millions d’emplois qui seraient menacés. C’est à ce moment- là qu’on voit D. Trump soutenir un accord de l’OPEP+ et faire pression sur l’Arabie Saoudite pour l’obtenir.  L’accord sera donc finalement obtenu le 12 avril pour une diminution de la production de 9,7 millions de b/J à partir du 1er mai. Jugé insuffisant par les marchés, cet accord ne fait pas remonter les prix, malgré les annonces de baisses volontaire par des producteurs non OPEP.   Il faudra attendre une série de bonnes nouvelles pour les prix reprennent le chemin de la hausse : entrée en application de l’accord, stocks pas aussi élevés qu’il n’avait été annoncé, début de reprise chinoise, annonces de dé-confinement progressif dans beaucoup de grandes économies, assurance des banques centrales pour soutenir les plans de reprise etc…

En ce début mai, les prix sont donc au-dessus de trente et orientés à la hausse, mais rien n’est encore acquis, et il est clair que le marché peut à tout moment se retourner en raison d’une offre largement excédentaire. De nombreux facteurs vont donc influencer les prix lors des prochains mois. En premier comment va évoluer le secteur du pétrole de schiste américain. En deuxième le niveau des stocks et leur évolution. Enfin, et peut être surtout, l’ampleur de la reprise après le dé-confinement.  Mais, à moyen terme, l’ampleur de l’endettement des Etats des pays moteurs de l’économie mondiale va réduire assez fortement les perspectives de la croissance mondiale et donc la demande de pétrole. La faible croissance des économies occidentales, la volonté de ces pays de réduire leur dépendance de la Chine, ainsi que la guerre commerciale que lui livrent les Etats Unis vont réduire le rythme de croissance de la Chine. En attendant qu’elle adopte un modèle moins dépendant des exportations vers l’occident.  Enfin, les dynamiques énergétiques antérieures à la crise sanitaire vont sans doute se renforcer et accélérer les énergies de substitution au pétrole.  Ces différents phénomènes vont se combiner pour modérer la hausse des prix pétroliers, même si on sait que le ralentissement des investissements dans le secteur des hydrocarbures actuellement va à moyen terme les tirer vers le haut. Mais ce haut sera de toute manière limité par le niveau qui permettra une reprise massive du pétrole schiste.

Pour l’Algérie, ces perspectives signifient que nous sommes pratiquement dans l’après pétrole, ou tout au moins que les hydrocarbures ne pourront plus jouer le rôle qu’ils ont joué jusqu’à présent dans l’économie algérienne.  Aussi bien du point de vue budgétaire que de celui de la balance des paiements, les possibilités les marges de manœuvre auront fortement diminué. L’Algérie est condamnée à révolutionner son économie en un court laps de temps pour espérer une sortie de cette crise par le haut et sauvegarder la dimension sociale du régime qui a toujours été recherchée par le pouvoir politique comme source de légitimité.