La LFC 2020 a été adoptée par le conseil des ministres le 10 mai. Autant elle aura été attendu autant elle aura déçu. Si elle a énoncé des mesures importantes (CKD-SKD, droit de pré-emption en cas de vente d’entreprises à participation étrangère, secteurs stratégiques pour imposer la règle du 51-49, relèvement du SMIG et du seuil d’exonération de l’IRG, importation d’équipement d’occasion, réaménagement fiscaux etc…), ces dernières étaient pour la plupart connues dès janvier ou même en décembre et rien ne justifie le retard qui a été pris pour l’adopter. A noter qu’elle n’est pas encore passée à l’APN ou au sénat. On l’attendait donc plutôt sur les mesures à prendre pour aider les ménages et les entreprises en ces temps de crise, et sur l’orientation qui allait être données à la politique budgétaire.
Concernant les entreprises la LFC n’a fait que reprendre des décisions déjà appliquées sur le terrain quant au report des échéances de paiement d’un certain nombre d’impôts. On ne voit donc pas tellement l’utilité de les reprendre à la loi des finances dans la mesure où ces décisions relèvent des prérogatives de la direction général des impôts ou du ministre des finances. Il n’y a pas non plus de décision relative à l’aide directe aux ménages pour les aider à surmonter l’impact du confinement, même si là aussi des mesures ont été prises sur le terrain. Le relèvement du SMIG et du seuil d’exonération de l’IRG ne relèvent pas de cette aide, même si, bien entendu, elles sont bienvenues en cette période de forte baisse des revenus des ménages. Sur le plan de l’aide aux entreprises et aux ménages nous sommes donc loin de mesures qui auraient pu limiter l’impact de la crise : prise en charge partielle ou totale des salaires des travailleurs en chômage technique, report des prélèvements de l’IRG des salariés, report ou prise en charge des cotisations sociales, mise place d’un fonds de garantie pour des prêts aux PME , notamment celles qui n’accédaient pas au crédit, mise en place d’un dispositif clair pour la prise en charge des ménages impactés, au-delà des habituels aides pour le mois de ramadhan etc. Il faut signaler d’ailleurs que les pouvoirs publics avaient exhorté les entreprises à garder leurs salariés et verser les salaires et qu’un dispositif serait mis en place pour cela. Finalement il n’en a rien été.
Basée sur un prix moyen du pétrole pour l’ensemble de l’année à 30 $/B, les recettes sont évaluées à 5.421 milliards de DA, comparativement à 6.289 milliards de DA dans la loi des finances initiale. Soit 868 milliards de DA de moins.
Les dépenses ne montrent par contre pas de différence notable avec la loi des finances initiale. C’est ainsi que le budget de fonctionnement a été chiffré à 4.752 milliards de DA contre 4.893 dans la loi des finances initiale. On voit ici, que s’il y a des baisses par rapport à la loi des finances initiales, compensées peut être par de nouvelles dépenses, nous sommes très loin des 50% de baisse du budget de fonctionnement. Cette dernière n’était de toute manière pas souhaitable, dans un contexte où la dépense publique devait au contraire garder son rôle de moteur de l’économie.
Côté budget d’équipement, il est prévu à hauteur de 2.620 milliards de DA. Dans la loi des finances initiale, il était de 2.929 milliards de DA soit donc une baisse de 300 milliards de DA.
Le déficit se monte ainsi à près de 2000 milliards de DA, contre 1533 milliards dans la loi des finances initiale, soit un près de 500 milliards de DA en plus. Mais à ces déficits il faut ajouter, comme le prévoyait la loi des finances initiale, la prise en charge du déficit de la caisse nationale des retraites qui était évalué à quelques 700 milliards de DA.
Il aurait été souhaitable d’augmenter le budget d’équipement afin d’avoir une demande suffisante pour tirer la croissance après le dé-confinement. Le temps mis pour élaborer la LFC aurait largement permis de sélectionner les projets les plus maturés et ceux susceptibles d’avoir le plus d’impact. De nombreuse sources de financement existent. Nous les avons explorées dans notre article FINANCES PUBLIQUES : UNE SITUATION CRITIQUE
Au total cette loi des finances complémentaires a au moins le mérite de maintenir le niveau des dépenses, et d’éviter le scénario des coupures tous azimuts qui aurait été une catastrophe. Elle est loin toutefois de l’ambition de soutenir une reprise rapide qui aurait donné le temps et l’assise pour préparer et initier les réformes désormais urgentes dans une période où on ne peut plus compter sur la rente pétrolière pour plusieurs années.
Sur le plan de la forme, il est clair que depuis plusieurs moins on est rentré dans une période où le cadre réglementaire de la prise de décision n’est plus respecté. De nombreuse mesures sont ainsi instruites ou ordonnées en dehors de tout examen par le parlement. De la même manière que c’est la première fois, il nous semble, qu’une loi des finances complémentaire est présentée sans ses annexes relatives à l’origine des recettes, la répartition des dépenses de fonctionnement par ministère, et des dépenses d’équipement suivant la nomenclature sectorielle. Il est temps de revenir aux règles, et que certaines décisions ne soient prises qu’après examen par le parlement et le sénat ou même parfois, préalablement, par le conseil d’Etat.