Les données dont on dispose sur l’exécution de la loi des finances 2019 s’arrêtent au mois d’octobre 2019. A fin octobre le solde budgétaire avait déjà atteint près de 900 milliards de DA. Les interventions du trésor avaient atteint à cette date 847 milliards de DA, soit un solde global du trésor négatif de 1664 milliards. Le financement a pu être assuré par le secteur bancaire, notamment la banque d’Algérie (à hauteur de 1000 milliards de DA en janvier 2019[1]). Le trésor a pu s’assurer aussi 489 milliards de DA de financements non bancaires. A noter que le trésor a remboursé une échéance de 137 milliards de DA sur l’emprunt national pour la croissance économique.
Fin Déc. 2018 | fin Octobre 2019 | |
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Recettes Budgétaires | 6 314 | 5 534 |
-- Fiscalité Pétrolière | 2 350 | 2 186 |
-- Ressources Ordinaires | 3 964 | 3 348 |
---- Recettes Fiscales | 2 649 | 2 329 |
---- Recettes Ordinaires | 176 | 155 |
---- Recettes Exceptionnelles | 1 139 | 864 |
Dépenses Budgétaires | 7 899 | 6 430 |
-- Fonctionnement | 4 670 | 4 136 |
-- Équipement | 3 228 | 2 294 |
Solde Budgétaire | -1 585 | -895 |
Solde Comptes d'affectation (hors FRR) | -7 | 78 |
Solde Opérations Budgétaires | -1 593 | -818 |
Interventions du Trésor | -517 | -847 |
Solde Global du Trésor, (Solde Exécution lois de Finances) | -2 110 | -1 664 |
Financement | 2 110 | 1 664 |
-- Financement Bancaire | 1 301 | 1 314 |
-- Financement Non Bancaire | 743 | 489 |
-- Prélèvements du FRR | 131 | 0 |
-- Emprunts Extérieurs Nets | -2 | -1 |
-- Emprunts National pour la croissance économique | -63 | -137 |
Unités : milliards de DA
Source: DGT/Ministère des Finances
La loi des finances de 2020 présentait un budget à peu près similaire à celui de 2019. Il dégageait un déficit de 1533 milliards de DA et un solde global du trésor déficitaire à 2433 milliards de DA. La manière dont allait être financés ces déficits n’était pas précisée. Les crises pétrolière et sanitaire ont rendu obsolètes les prévisions de la loi des finances 2020. Du côté des recettes d’abord, la crise s’était faite ressentir même au premier trimestre : un certain nombre de rentrées fiscales du premier trimestre ont dû être différées . Mais dans tous les cas le financement du déficit budgétaire prévu à la loi des finances initiale, si on en prend l’équivalent trimestriel, atteignait déjà quelques 400 milliards de DA, et celui du trésor quelques 600 milliards de dollars. Pour répondre à un tel besoin de financement, on peut supposer que le trésor a puisé dans son compte à la banque d’Algérie qui à la fin novembre était créditeur de 1867 milliards de DA et/ou recourir aux banques. A noter que le compte courant créditeur du trésor à la banque d’Algérie est un reliquat de l’achat des obligations du trésor par la banque d’Algérie dans le cadre du fameux financement non conventionnel. L’autre possibilité aurait été d’encaisser dès le premier trimestre la part des bénéfices de la banque d’Algérie prévue par la loi des finances, soit 830 milliards de DA[2].
La situation qui se présente en ce mois d’avril est beaucoup plus compliquée. Les prix pétroliers ont baissé. Le baril de brent était côté à 25,9 $ le 20 avril. Mais la crise sanitaire a occasionné aussi une très forte baisse de la demande mondiale de pétrole brut. C’est-à-dire que les exportations algériennes de brut vont baisser en volume. Les deux baisses conjuguées réduisent fortement les recettes de fiscalité pétrolière. La loi des finances initiale tablait en effet sur des recettes de 2200 milliards de DA, pour un prix de référence du baril de 50 dollars et un taux de change de 123 DA/$. Pour avoir des ordres de grandeurs, on supposera que l’ensemble des prix sont liés à ceux du brut. Sous une hypothèse de 40 $ en moyenne pour l’ensemble de l’année[3] 2020, et à taux de change constant, la baisse des recettes sera de 20%. L’effet volume, pourrait approcher les 20% aussi. Les recettes retomberaient alors 1408 milliards de DA. La baisse serait un peu corrigée par la baisse du DA par rapport au dollar. C’est ainsi qu’il a atteint, actuellement 128 DA par dollars actuellement. Si le taux de change moyen du DA par rapport au dollar baissait de 10% sur l’ensemble de l’année 2020, les recettes de fiscalité pétrolière ne seraient pas de 1408 milliards de DA mais 1548 milliards. Ceci limite bien entendu la baisse des recettes, mais celle-ci reste importante quand même : plus de 30% !
La crise sanitaire a eu aussi pour conséquence une baisse de l’activité dans de nombreux secteurs. Certains sont même à l’arrêt. Un nombre important de travailleurs ont été contraint au chômage technique. D’autres y échappent, ou même voient leur activité fortement augmenter : agriculture, industries agro-alimentaires, eau et électricité, certaines industries pharmaceutiques ou parapharmaceutiques, transport de marchandise, commerce de produits alimentaires, télécommunications, banque et assurances. Mais ceci n’empêchera pas une très forte réduction des revenus de la fiscalité directe (IRG, IBS, IFU…).
Enfin les revenus de la fiscalité indirecte (droits de douane, TVA sur importations, TVA sur la production locale, quelques autres taxes) vont aussi se contracter. Les importations de biens intermédiaires et de biens d’investissements, ou de biens de consommation industriels vont en effet baisser. Il est difficile toutefois de faire des hypothèses sur l’ampleur de la baisse. Ce qui semble se dessiner est que la baisse sera importante. Elle sera un peu freinée par la baisse du DA, dans la mesure où les droits de douane et la TVA sur les importations s’appliquent aux montants exprimés en dinars. Enfin la baisse de la TVA sur la production locale va aussi être freinée par une inflation qui pourrait être importante. La baisse du DA est un premier déterminant de l’inflation. Les modalités de financement du déficit budgétaires, et aussi du soutien aux entreprises (voir ci-dessous) vont créer aussi de fortes tensions inflationnistes.
Au total sur les prévisions de recettes de la loi des finances de 2020, seuls les prélèvements prévus sur les bénéfices de la Banque d’Algérie ne vont pas être modifiés.
Par rapport à ces tendances, des recettes, les dépenses de fonctionnement sont peu flexibles et si les instructions du gouvernement sont de les faire baisser de 30% cela est impossible dans les faits. 10% pourraient être déjà un bon résultat pour commencer. Le budget d’équipement dégagerait plus de flexibilité, il faut bien voir toutefois, que composé en grande partie de BTPH, il obèrerait la reprise dans un secteur éprouvant déjà de grandes difficultés. Il y aurait donc lieu de sélectionner les projets ayant une forte valeur ajoutée interne et reporter les projets où le recours aux ressources locales est faible.
A cette situation difficile, s’ajoute la nécessité d’une intervention de l’Etat pour soutenir les ménages et les entreprises, et qui pourraient fortement solliciter les finances publiques. Plusieurs centaines de milliards de DA de décaissements sont à prévoir. Des garanties de prêts aux entreprises devraient aussi être données, même si cela ne va pas occasionner des décaissements au cours de 2020. Mais des pistes de financement existent[4]. Il est clair toutefois que l’administration des finances, la banque d’Algérie et les systèmes bancaires de manière générale seront mis à rude épreuve pour gérer une situation extrêmement difficile.
Notes:
- ^ Voir situation mensuelle de la banque d’Algérie
- ^ Ceci nécessite d’accélérer tout un ensemble de procédures (élaboration rapide des comptes, approbation des comptes et répartition des bénéfices)
- ^ A noter que le brent s’est situé en moyenne à 52$ durant le premier trimestre 2020
- ^ Voir : « crise sanitaire, crise pétrolière, et soutien aux ménages et aux entreprises »